Fast fashion : pourquoi le salaire des ouvriers du textile, c’est la zermi ?
J’ai bien conscience qu’en tant qu’enfant des années 90, le verlan de misère : zermi, n’est pas courant pour les jeunes nés après 2000. On a plus l’habitude d’entendre : “C’est la Hess” de nos jours, bref comme quoi rien ne change chaque génération a son expression. Oui, c’est la HESS pour les salariés du textile, surtout pour la chaîne de production, mais aussi pour les vendeurs et vendeuses, les mannequins et [presque] toute la chaîne en fait.
Mais aujourd’hui je vais me concentrer sur la rémunération, on va parler argent. Oui, c’est les soldes, réductions et consommations à GOGO, c’est d’actu non ? Si une enseigne peut aller jusqu’à -70% de réduction, elle peut, peut-être, mieux payer ses salariés, non ? Vous êtes sûr ?
Avant toute chose, pour rédiger cet article, je me suis basée en grande partie sur “Le livre noir de la mode”, d’Audrey Millet, aux éditions Les Pérégrines. Ce livre est une mine d’informations, si vous voulez en savoir plus sur la fast fashion et ses conséquences, je vous invite à le lire. Merci à Audrey pour son travail, qui me permet aujourd’hui de traiter le sujet des salaires, d’avoir pu récolter la plupart des infos du livre et il y a tant d’autres choses à dénoncer.
Petit rappel
Le secteur du textile est l’un des plus lucratifs, ce n’est pas moi qui le dis, mais un article de Capital de 2011, ok c’est un peu vieux, mais je rappelle que le secteur du textile est l’un des moins impactés par les hausses de prix. Au contraire, les prix baissent généralement. Je rappelle aussi, que la consommation a doublé depuis 2000, on a même des enseignes d’ultra fast fashion, vous imaginez ?
Malheureusement, la fast fashion nous montre depuis des années que le respect de ses salariés et le respect de l’environnement ne font pas partie de ses préoccupations. Sinon nous ne serions pas des centaines (créateurs de contenus, auteurs, journalistes, citoyens et marques) à le dénoncer. Le but de la fast fashion est de compresser toujours plus les coûts, pour augmenter toujours plus la rentabilité. Bon la mode, le style et la qualité, c’est bien quand même mais comprenez que la rentabilité c’est mieux.
Les marques sont-elles responsables des salaires et des conditions des salariés ?
Les marques font mine de ne rien voir et elles ne se considèrent jamais responsables, car ce sont les sous-traitants qui gèrent la production, mais qui choisit les sous-traitants ? Et qui fait le plus de bénéfices dans l’histoire ?
Après le rana plaza en 2013, les marques s’étaient engagées à mieux contrôler la chaîne de production. Mais avec le scandale des conditions des Ouïghours, en fait, on se rend compte que rien n’a changé.
[** Sous le vent, et si tu crois que c’est fini, jamais. C’est juste une pause, un répit, après les dangers, merci Céline ! **]
Et nous ne sommes pas au courant de tous les accidents liés à la fabrication des vêtements, une grande partie n’est pas retransmise dans les médias.
La marque doit avoir un devoir de vigilance, c’est-à-dire qu’elle est, en théorie, responsable juridiquement de la chaîne de production.
Même si les marques font appel à des sous-traitants, ce sont elles qui tirent le plus grand bénéfice de ce business, et à nouveau, ce sont elles qui les choisissent après tout.
Tu as dit salaire de misère ?
Si vous voulez savoir comment est fixé le prix d’un vêtement il y a l’article que j’ai cité auparavant de Capital, et celui de Ethic2hand. J’aimerais faire une infographie sur le sujet plus tard, soyez patients.
Je vais être claire, entre l’utilisation de produits chimiques quotidiennement, les conditions de travail insalubre, les techniques de production néfastes pour la santé, l’inexistence des congés, le salaire de misère et les heures à GOGO, le modèle est loin de respecter les humains qui nous permettent de nous vêtir.
L’Inde et le Bangladesh par exemple, font partie des 10 principaux pays exportateurs de textile, selon l’Organisation mondiale du Commerce.
Dans ces deux pays, 90% des ouvriers sont en fait des ouvrières, l’une des raisons est simple, la femme est payée 25% moins cher que l’homme.
En Inde, officiellement, je dis bien officiellement, une usine de textile embauche en moyenne 800 ouvriers, 6 jours sur 7, 10 heures par jour (parfois c’est même 12h officieusement), pour 90€ par mois.
Passons au concret, petit calcul :
En Inde, si un ouvrier du textile travaille 6 jours sur 7, pendant 1 mois (1 mois composé de 30 jours), sur une base de 4 semaines avec 4 dimanches = 4 jours de “repos” qui ne sont pas payés. Donc sur 26 jours travaillés, à 10 heures par jour, pour 90€/mois ça fait = 26j x 10h = 260h, 90€ / 260h = 0,34€ l’heure !
[** M.E.R.VEILLEUX ! **]
Bien évidemment, ce calcul est basé sur une moyenne, c’est une estimation, mais quand même…
Il ne faut pas oublier les cultivateurs de coton ou les producteurs de cuir, en Inde, qui gagnent en moyenne 60€ par mois, c’est moitié moins que le salaire moyen indien.
Rappelons que le salaire vital en Inde, selon Continental Clothing, est de 191€ par mois. Un salaire vital permet de satisfaire les besoins fondamentaux du salarié et de sa famille : loyer, énergie, alimentation, eau potable, habillement, santé, protection sociale, éducation, transports et épargne.
Le taux horaire, si on appelle ça comme ça au Bangladesh, tombe même à 0,18€. Sachant que le textile représente 70% des exportations du pays.
Dernière nouvelle
Le phénomène se déplace en Afrique, avec de nouveaux investisseurs et usines en développement sur le continent, en Éthiopie par exemple, le salaire par mois s’élève à 23€.
[** COOL, le phénomène se déplace, on va pouvoir acheter des tee-shirts à 2€, ou les marges seront plus importantes pour les marques, trop la classe. **]
Les marques peuvent-elles vraiment augmenter les salaires ?
Audrey Millet le dit dans son livre, Nike par exemple, pourrait doubler le salaire de ses 160.000 salariés, sans impacter le prix de vente, en prenant directement sur sa marge, si on rêve un peu.
Car le salaire de l’ouvrier représente entre 1% et 3% du prix de vente.
Si Nike ne veut pas perdre de la marge, et qu’elle impute l’augmentation des salaires sur le prix, alors pour doubler un salaire, le prix serait augmenté de 1% à 3%; et de 2% à 6% si on voulait tripler les salaires.
Concrètement, sur un vêtement à 30€, le prix augmenterait de 0,30€ à 1,80€. La chemise serait vendue entre 30,30€ et 31,80€. Soyons honnêtes, pour la grande majorité des Européens, cela n’aurait aucun impact sur notre mode de vie.
Conclusion ? Oui.
Et après tout ça ?
Après avoir écrit ça, et lu : “Le livre noir de la mode”, voilà ce que je me dis : je suis juste née au bon endroit, c’est une chance, presque une bénédiction. Même si tout n’est pas parfait en France, je ne comprends pas pourquoi, moi Marion, européenne, j’ai droit à une vie confortable, contrairement à d’autres.
Quand je pense aux conditions de vie de ses salariés, moi je suis là au chaud, je ne connais pas la faim et je dors dans un lit douillet. Pendant que les inégalités se creusent dans le monde, pour que des vêtements soient vendus et profitent à une infime partie de la population.
Pourquoi les marques ne garantissent pas un salaire vital pour leurs salariés ou sous-traitants ?
Pourquoi la bienveillance ne vient-elle pas de ses marques qui brassent des millions, et versent toujours plus de dividendes à leurs actionnaires ?
On a certainement tous la réponse.
Il y a tellement de nouvelles informations, mais il y a aussi beaucoup trop de flou encore. J’ai envie de plus de transparence, j’aimerais plus de respect de l’environnement, je souhaite des meilleurs salaires et je ne veux plus d’esclavage moderne pour une robe, une veste en jean ou un sac en cuir.
C’est pour cette raison qu’aujourd’hui je fais appel à vous, ma communauté, nous nous sentons proches grâce à des valeurs plus bienveillantes et de préservation.
Je pense que c’est ce qui nous réunit, et même si certains veulent nous faire croire que la bienveillance est néfaste, que ce n’est qu’un leurre, on peut leur prouver qu’ils ont tort et que la bienveillance n’est pas une faiblesse ou une utopie. On peut vivre autrement, dans un monde plus juste.
Alors voici quelques conseils si toi-même tu veux changer pour passer à une mode plus durable et éthique. Je t’invite fortement à partager cet article autour de toi, ou le post sur les réseaux sociaux. Mais aussi, parles-en à ton voisin, à ta cousine, à tes parents, à ton collègue, à tes élèves, pour faire taire les idées reçues et remettre certaines choses à leur place. On doit se faire entendre pour continuer à faire bouger les choses.
Car oui, on peut mieux payer ses salariés, sans que ça n’impacte le porte-monnaie des Français. Un monde plus juste est possible, une mode plus douce, éthique et durable l’est aussi, il faut juste le décider.
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