BlackFriday NonMerci8

La mode écoresponsable vs la mode conventionnelle, pourquoi le changement paraît difficile ?

Prix, consommation, marketing et psychologie.

 

Quand j’ai commencé à m’orienter vers une mode et une consommation plus responsable et éthique, j’avais pas mal d’a priori. Je ne suis pas la seule, si je parle un peu de mon projet, mon domaine à n’importe qui, je vais avoir les mêmes réflexions, du type : “la mode éthique c’est cher”, “trouver des marques c’est compliqué, je n’ai pas le temps”, “c’est souvent moche un vêtement responsable”, “je ne connais pas de marque écoresponsable”… Fondés ou pas, ces jugements, ces impressions sont courants, est-ce juste ? 

 

Les prix

J’en ai déjà parlé, les prix ne cessent de baisser alors que la plupart de nos loisirs et de nos ressources augmentent. En lisant : Le livre noir de la mode, d’Audrey Millet, je suis tombée sur une donnée intéressante qui m’a frappée. Dans les années 1950, les citoyens des USA, avaient en moyenne 437$ de budget par an, pour les vêtements, soit l’équivalent de 4718$ aujourd’hui. Ou encore, une jupe 100% nylon coûtait 16$, soit l’équivalent de 140$ aujourd’hui.

 

Aujourd’hui, on peut acheter sur les sites d’ultra fast fashion une robe à 10€, dans une boutique de fast fashion une robe à 30€. Pour d’autres marques, suivant le prestige, le prix peut vite grimper. Comment expliquer cet écart, entre la mode d’hier et d’aujourd’hui ? Les lieux de fabrication et les matières ne sont plus les mêmes. Les intentions des marques ne sont plus les mêmes non plus, l’objectif n’est plus de se vêtir avec un vêtement sympa et créatif qui représente l’époque et qui durera pendant des années. Le but est que nous consommions toujours plus et que les consommateurs retournent tous les mois dans les boutiques. Et expliquer la différence de prix entre une marque type H&M, Zara, Celio… Et Lacoste, Tommy Hilfiger, Maje… Un mot : marketing et prestige.

 

La mode éthique et durable essaye d’instaurer un nouveau modèle, qui ressemble tout simplement à une consommation plus raisonnée, avant que la consommation soit synonyme de bonheur.

Alors oui, un tee-shirt basique, blanc peut coûter entre 40€ et 80€ suivant les marques, les matières et les lieux de fabrication. Mais le but de ces marques n’est pas que vous reveniez tous les mois. Le but est d’avoir un tee-shirt blanc, un pull, ou une robe que vous pourrez porter pendant des années sans que le vêtement, les chaussures, les accessoires ne s’usent, et sans que ceux-ci ne soient néfastes pour la planète et l’humain.

Donc si vous achetez une pièce à 150-200€, que vous la portez 100 fois dans votre vie, le coût par utilisation du vêtement baisse drastiquement (coût par porté de 1,5€ à 2€), et vous aurez moins envie ou “besoin” d’acheter autre chose. Contrairement à une pièce de fast fashion, à 30€, que vous mettrez deux fois, le coût par porté est alors de 15€.

 

Notre consommation

A-t-on vraiment perdu du pouvoir d’achat ? Est-il vraiment difficile de consommer de façon éthique ? Bien évidemment, ça dépend des foyers et des ressources financières disponibles. Je ne blâmerai jamais une personne qui tente de s’en sortir et de se vêtir convenablement, pour certaines la fast fashion n’est pas un choix mais une obligation. Il faut aussi prendre en considération depuis quelques mois, que les matières premières augmentent et ont un véritable impact sur nos vies, le pouvoir d’achat a donc baissé.

 

Mais je le rappelle, notre consommation de vêtements a doublé depuis 2000. On achète de plus en plus et les tendances sont de plus en plus rapides. Aussi, notre mode de vie n’est plus le même que celui de nos parents ou grands-parents. Nos grands-parents, et parfois même nos parents, n’avaient pas internet, de produits high-tech, n’avaient qu’une seule voiture dans un foyer, ils voyageaient moins, les loisirs n’étaient pas les mêmes… Donc moins de dépenses et de tentations.

 

Même si les prix de la mode ont baissé, notre vie a changé, au lieu d’acheter un pull on en achète 2, au lieu d’acheter une robe on en achète 4, au lieu d’avoir un manteau on en a 4, au lieu d’avoir deux paires de chaussures on en a des dizaines, et c’est des centaines parfois (pour les plus accros).

On peut aussi ajouter, que l’achat de vêtement est devenu un loisir que l’on appelle : shopping. (Paroles d’une ancienne addicte, qui combat ses démons)

 

Consommer éthique c’est une question de choix quand il est possible de se payer une robe à 100€, voire plus. On achètera moins car, à part si on est crésus, il est difficile de consommer la mode éthique, comme on consomme de la fast fashion. Au lieu de faire un shopping à 5 pièces différentes, à 30€ en moyenne, on n’en achètera qu’une à 150€. Oui, c’est un choix. Mais a-t-on vraiment besoin d’avoir 10 chemises blanches, 120 robes, 36 jeans, 70 paires de chaussures… Pour avoir du style ? 

 

Les marques, marketing et psychologie

On arrive à la partie la plus intéressante. 

Pourquoi un tee-shirt blanc à 50€ qui respectera les salariés et la planète paraîtra plus cher qu’un tee-shirt d’une grande marque au même prix ? Pourquoi acheter 5 tee-shirts blancs à 10€ paraîtra moins cher ? 

Réponse : marketing et psychologie.

 

Je suis un peu contrariée, quand une personne me dit qu’un vêtement écoresponsable est cher, alors qu’il n’y a aucun problème pour acheter des vêtements chez Kookaï, Maje, Lacoste, Tommy Hilfiger… Ou toutes marques étant dans la même tranche de prix, que celles de la mode éthique, et encore certaines marques de mode éthique sont moins chères.

Les marques et notre système de consommation sont hyper forts, grâce au marketing, on peut penser qu’un tee-shirt blanc avec un crocodile dessus est plus “valorisant” qu’un tee-shirt d’une marque moins connu. Ce n’est pas mon cas, mais pour certaines personnes, ça fait du bien à l’égo d’avoir un vêtement de marque, et ça t’apporte un certain “rang” dans la société. Pourquoi ça marche si bien ? Tout simplement parce qu’il y a du marketing et du storytelling derrière ces marques qui existent depuis plusieurs dizaines d’années.

 

Mais au fond, qu’est-ce qui fait qu’une marque est grande et belle ? Est-ce que c’est sa créativité ? Son style ? Son innovation ? La qualité de ses vêtements ? Ses matières nobles ? Son processus de fabrication respectueux de l’environnement et des humains ? Sa force de communication, de marketing et à raconter des histoires ? Tout ça à la fois ? 

Avec du recul j’ai l’impression que les grandes marques qui se vendent le plus, qui sont les plus connues ou qui paraissent les plus stylées, luxueuses, prestigieuses… Ne répondent pas positivement, en majorité, à ces questions. Ce qui fait la réputation d’une « grande marque » désormais, c’est sa capacité à communiquer, à faire du marketing, à raconter une histoire qui camoufle le reste. C’est-à-dire, qui masque une qualité en baisse, une envie de vendre toujours plus, des matières nocives et une fabrication néfaste pour l’humain et l’environnement. Pour ce qui est de l’innovation et de la créativité, tout dépend du point de vue de chacun.

 

Bien évidemment, ce n’est pas si simple que ça, il y a d’autres facteurs qui rentrent en compte. Comme le fait que les marques responsable et éthique sont moins présentes en boutiques, qu’elles peuvent moins faire de rabais, car c’est souvent un prix juste, et leur capacité à communiquer est moins importante…

 

Voilà, j’avais envie de vous parler de ce thème sous cet angle. Car en cette période de Black Friday, que l’on devrait nommer “Black Days”, la surconsommation a le vent en poupe, les plus grandes marques aussi, au détriment d’une mode plus juste et raisonnée. 

C’est mon analyse, elle n’implique que moi, mon point de vue et mon ressenti.

Laisser un commentaire